Quand La Musique Avait Encore Un Sens
Le contenu de musique contemporaine tend à se vider davantage de pertinence, contrairement aux années antérieures où la musique, plus qu’une simple distraction était également un véritable cheval de bataille, une importante plateforme d’expression qui réagissait aux phénomènes sociaux et se mêlait ipso facto des questions culturelles, économiques et même politiques. Aujourd’hui les sociétés n’en ont que pour des sonorités factices générées sous des motifs sordides et dépravées qui ne servent qu’à nourrir le malsain appétit d’oisiveté sauvage d’abord de leurs auteurs mais aussi et surtout des fans dont la rigueur créative, éthique et artistique disparait à mesure que le temps s’égraine.
On est bien loin de l’époque où la musique avait la double propension de divertir et d’éduquer. Cette ère où la musique recevait les mêmes éloges que la littérature et la peinture, cette époque où l’agencement des rythmes associés aux lyrics percutants faisaient drainer des foules entières en raison de la forte popularité dont jouissaient les chanteurs, popularité qu’ils devaient à la pertinence des messages qu’ils véhiculaient, parce qu’avant tout, la musique est d’abord et surtout une affaire de culture, selon son pays selon ses origines mais aussi son histoire.
Dans le début des années 80 par exemple en France, les artistes tels Marc Lavoine, Michel Sardou, Patrick Hernandez, Francis Cabrel ou encore Yannick Noah et bien d’autres ont émerveillé les cœurs avec leurs lyrics poignants qui d’ailleurs ont servi à inspirer les générations suivantes. 50 ans plus tard, le tableau musico artistique français certes coche encore toutes les cases de l’excellence musicale qu’à l’époque mais la perception de la société, les consommateurs, la valeur lyrique des produits musicaux ont perdu leur rigueur au profit de la désinvolture.
Dans le rap par exemple, les groupes et artistes comme IAM, NTM, Oxmo Puccino, Koolshen etc qui ont fait les meilleurs jours du rap français ruminent au quotidien à leur façon le vœu d’effectuer un voyage dans le temps afin de revivre ces moments de grande école musicale qu’était leur époque. Il y’a quelques jours sur un média social un visuel mettant en scène Akhenaton du groupe mythique de rap français IAM faisait sensation parce qu’il portait la mention : Dans le rap français, il va falloir qu’on se prenne un camomille et qu’on m’explique comment on est passé de paroles comme « petit frère veut grandir trop vite mais il a oublié que rien ne sert de courir petit frère » à « Mon cœur fait ‘‘oulalala’’ ! ou ‘‘aïe aïe ouille’’. Comme pour se demander comment on en est arrivé là.
Nouveaux Mouvements, Aurevoir l'Art.
Du côté des Etats-Unis on ne cesse de voir des publications qui tournent en dérision les lyrics des actuels rappeurs en y mettant une comparaison ironique à ceux des légendes comme Tupac, Ice Cube, Public Enemy, Nas ou encore du groupe Niggaz With Attitude dont les textes allaient jusqu’à dénoncer les bavures policières, la politique du gouvernement de l’époque, le racisme et j’en passe.
L’accession au pouvoir du candidat Barack Obama en 2008 peut être considérée comme un résultat abouti du combat longtemps mené sur les planches des concerts et des grandes scènes durant des années.
En fin d’année 1984, les images d’enfants mourant de faim en Ethiopie sont diffusées à la télévision pour la première fois. Les images font le tour du monde. Tandis qu’en Grande Bretagne Bob Geldolf réunit des stars pour la chanson caritative Do they know it’s Christmas, aux Etats-Unis le chanteur Harry Belafonte use de ses contacts dans la musique pour monter un projet musical pour la même cause, et c’est finalement Michael Jackson et Lionel Richie qui vont écrire la chanson, avec Quincy Jones à la production. Le titre ‘‘We are The World’’ de USA for Africa sort le 07 mars 1985 et s’écoule à 800 000 exemplaires en seulement trois jours. Quelques mois plus tard le single devient le plus vendu au monde à plus de 20 millions d’exemplaires et plus de 63 millions de dollars sont récoltés pour l’aide humanitaire en Ethiopie.
Jusqu’aujourd’hui ‘‘We are The World’’ reste le mètre étalon de la chanson humanitaire dans le monde. Voilà à quel point la musique peut impacter les vies et changer les mentalités. Les artistes qui avaient refusé de participer à ce projet musical humanitaire se sont pris de remords après à l’instar de Prince qui avait pensé que ça ne réussirait pas, mais qui au final avait dû envoyer un morceau dans l’album : 4 the tears in your years, même si ce morceau était passé loin des attentions.
Justement parlant d’attention, la musique africaine et camerounaise en particulier en manquent cruellement. Les contenus musicaux sont calqués aux attentes du public, nourries par des réalités dépravantes et débauchées : les artistes n’ont plus de véritable motivation, c’est dans la réalité (presque toujours boiteuse) du public qu’ils puisent leurs inspirations. Tout le monde veut ‘‘Chanter’’, quitte à paraitre ridicule, à chaque fois la réplique qui sert de belle excuse sera « c’est notre réalité, c’est le quotidien que je dépeins dans mes chansons » en oubliant que la musique est d’abord une médecine avant de paraitre un exutoire, ou un ‘‘miroir mon beau miroir’’ à la Blanche Neige qui ne doit nous donner que ce que nous attendons de lui, au mépris de l’avenir des jeunes générations.
Des titres qui font la double apologie de l’infidélité masculine en clamant le droit des maitresses d’hommes mariés (Tchizambengue) à ceux qui encouragent les relations extra conjugales de femmes avec des playboys célibataires (caleçon) en passant par ceux qui glorifient la pornographie et l’ivrognerie et l’élèvent en véritable sujets de discussion dans les milieux jeunes (la bière c’est combien ? ; tu veux enlever ? etc), sans parler de ceux qui justifient l’infidélité féminine ou qui inspirent la violence et la cancritude..
La musique est un art hybride qui relie des textes d’une profondeur originale à une mélodie typiquement poétique et inspirante. Si l’on prétend pouvoir dissocier les deux ou tout simplement les altérer de leurs différentes traductions syntagmatiques, alors ce qu’on fait n’est plus de la musique, mais plutôt de la folie, puisqu’on entendra à coup sûr dire : « ça n’a pas de sens » exactement comme 95% des productions musicales qui sont faites depuis le début des années 2010 jusqu’à présent.
Beaucoup de libres penseurs, de coach en compréhension de tout et de défenseurs des ‘‘couches stigmatisées’’ de la société diront que chacun est libre de faire ce qu’il veut, de chanter ce qui lui plait tant que ça paie les factures c’est la fin qui justifie les moyens, mais encore, les choix. Certes la vie est une question de choix mais nous devons savoir que les choix se font sous base d’informations : si l’information sur laquelle on se base pour faire notre choix dans la vie est erronée, on fera forcément le mauvais choix. Mais si par contre l’information est correcte, alors on fera le bon choix.
Par conséquent le bon artiste ou le bon musicien c’est celui qui, ayant fait un choix basé sous la bonne information, arrive à se construire une fortune musico artistique qui n’aurait pas eu besoin de sacrifier l’avenir des générations. Mais bon, vous direz que ce n'est que mon avis..je m'en tiens la.
Lewis TONDJI, Animateur Radio, Concept Creator et fan de bonne musique.